Chapitre 1er.- Définitions
Article 1er. Au sens du présent arrêté, l'on entend par :
1°l'administration : le Service de la Pêche de la Direction de la Chasse et de la Pêche du Département de la Nature et des Forêts du Service public de Wallonie Agriculture, Ressources naturelles et Environnement ;
2°le contexte cyprinicole : l'unité hydrographique qui, en l'absence de toute influence anthropique, convient aux cyprinidés d'eaux calmes et à leurs prédateurs, autrement appelée " zone à barbeau et à brème " ;
3°contexte intermédiaire : unité hydrographique qui, en l'absence de toute influence anthropique, convient à toutes ou parties des espèces des contextes cyprinicoles et salmonicoles, autrement appelée " zone à ombre " ;
4°le contexte salmonicole : unité hydrographique qui, en l'absence de toute influence anthropique, convient aux exigences du cycle biologique de la truite, autrement appelée " zone à truite " ;
5°le décret du 27 mars 2014 : le décret du 27 mars 2014 relatif à la pêche fluviale, à la gestion piscicole et aux structures halieutiques ;
6°le Ministre : le Ministre qui a la pêche dans ses attributions ;
7°le plan de gestion : plan de gestion piscicole et halieutique d'un sous-bassin adopté par le Gouvernement en application de l'article 27 du décret du 27 mars 2014 ;
8°la souche domestique : souche de poissons d'élevage issus de la reproduction artificielle depuis au moins deux générations ;
9°la souche autochtone : souche de poissons vivant en milieu naturel dont l'analyse génétique a montré qu'au moins quatre-vingt-cinq pourcents de l'ADN est analogue à celui des populations autochtones de référence de l'espèce dans le sous-bassin hydrographique considéré ;
10°le vétérinaire agréé : vétérinaire agréé au sens de l'arrêté royal du 20 novembre 2009 relatif à l'agrément des médecins vétérinaires ;
11°l'empoissonnement : la pratique visée par l'article 2, 8°, du décret du 27 mars 2014 ;
12°l'empoissonnement de soutien : un empoissonnement réalisé afin d'atténuer les pertes de production et de rétablir le niveau de production piscicole d'un cours d'eau qui a chuté à cause d'un aménagement ou d'une diminution brutale, même temporaire, de la qualité d'eau ;
13°l'empoissonnement de reconstitution : un empoissonnement effectué dans un cours d'eau dégradé pour le repeupler avec une espèce présente ou historiquement présente dans le cours d'eau ;
14°l'empoissonnement scientifique : un empoissonnement réalisé dans le cadre d'études et destiné à améliorer les connaissances scientifiques sur les populations de poissons ;
15°l'empoissonnement direct : un empoissonnement à finalité halieutique réalisé avec une quantité de poissons supérieure à la capacité d'accueil du cours d'eau.
Concernant le 15°, l'empoissonnement direct est effectué essentiellement à partir de poissons dont la taille est égale ou supérieure à la taille minimale de prélèvement fixée à l'article 13 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 8 décembre 2016 relatif aux conditions d'ouverture et aux modalités d'exercice de la pêche.
Concernant le 15°, la capacité d'accueil est le stock d'individus d'une espèce donnée que le cours d'eau peut accueillir en fonction de ses caractéristiques.
Chapitre 2.- Généralités
Art. 2.A l'exception de la remise à l'eau d'un poisson ou d'une écrevisse sur le lieu même de sa capture, toute mise à l'eau d'un poisson ou d'une écrevisse dans les eaux soumises au décret du 27 mars 2014 constitue un empoissonnement.
Art. 3.Conformément à l'article 10, § 1er, alinéa 1er, du décret du 27 mars 2014, tout empoissonnement fait l'objet d'une demande préalable d'autorisation auprès de l'administration.
Les conditions d'autorisation dépendent de l'objectif de l'empoissonnement. Suivant cet objectif, on distingue :
1°les empoissonnements de soutien ;
2°les empoissonnements de reconstitution ;
3°les empoissonnements scientifiques ;
4°les empoissonnements directs.
Chapitre 3.- Conditions d'autorisation des empoissonnements
Section 1ère.- Dispositions générales
Art. 4.L'administration peut délivrer une autorisation d'empoissonnement uniquement pour les espèces reprises aux annexes 1 et 2 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 8 décembre 2016 relatif aux conditions d'ouverture et aux modalités d'exercice de la pêche, à l'exception des espèces suivantes :
1°aspe ;
2°corégone lavaret ;
3°corégone peled ;
4°omble chevalier ;
5°omble de fontaine ;
6°truite arc-en-ciel ; et,
7°l'ensemble des espèces visées dans le groupe 4 de l'annexe 2 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 8 décembre 2016 relatif aux conditions d'ouverture et aux modalités d'exercice de la pêche.
Dans le cadre d'opérations de sauvetage, l'administration peut autoriser un empoissonnement par translocation pour les espèces reprises à l'alinéa 1er, sauf si des restrictions et des mesures particulières s'appliquent à cette espèce en vertu du décret du 2 mai 2019 relatif à la prévention et à la gestion de l'introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes.
L'on entend par translocation le déplacement de poissons d'un cours d'eau à un autre ou d'un plan d'eau à un autre.
Art. 5.Au sein des contextes piscicoles qui présentent un enjeu en termes de conservation d'une souche autochtone et listés dans un arrêté ministériel, seuls les individus de souche autochtone ou leurs descendants de première génération peuvent faire l'objet d'une autorisation d'empoissonnement par l'administration afin d'éviter toute introgression au sein de la population.
L'introgression est le transfert d'un gène d'une souche particulière d'une espèce donnée à une autre souche après une hybridation suivie de rétrocroisements répétés avec l'une des souches parentes.
Art. 6.Afin d'assurer la cohérence des empoissonnements à l'échelle du sous-bassin, la fédération de pêche agréée est informée des autorisations d'empoissonnements délivrées par l'administration.
Art. 7.Le demandeur rend compte de l'exécution des empoissonnements autorisés en retournant le rapport de déversement complété à l'administration avant le 31 décembre de l'année en cours. Un modèle de rapport de déversement établi par l'administration est joint à l'autorisation délivrée.
Section 2.- Empoissonnements de soutien et de reconstitution
Art. 8.Les empoissonnements de soutien et de reconstitution sont autorisés par l'administration uniquement s'ils sont planifiés dans le programme général d'actions du plan de gestion.
Les empoissonnements de reconstitution peuvent être autorisés par l'administration uniquement s'ils sont précédés d'actions de restauration du cours d'eau.
Les empoissonnements de soutien peuvent être autorisés par l'administration uniquement si la source de la perturbation est identifiée et que ses effets ont cessé.
Art. 9.Pour les empoissonnements de soutien et de reconstitution, les empoissonnements des espèces du groupe 2 et du groupe 3 reprises à l'annexe 2 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 8 décembre 2016 relatif aux conditions d'ouverture et aux modalités d'exercice de la pêche, peuvent être autorisés uniquement aux stades de larves, d'oeufs oeillés, d'alevins à vésicule résorbée ou de juvéniles.
Tout empoissonnement de soutien et de reconstitution avec des souches domestiques d'ombres communs ou de truites communes est interdit quel que soit le stade de développement du poisson.
Section 3.- Empoissonnements scientifiques
Art. 10.L'administration peut autoriser les empoissonnements scientifiques s'ils s'inscrivent dans une convention d'études ou un programme de recherche moyennant le respect des conditions suivantes :
1°la thématique de la recherche porte sur l'écologie des poissons, l'aménagement des milieux aquatiques ou l'étude des impacts sur ces milieux ;
2°le demandeur justifie d'une expertise en écologie des poissons, en aménagement des milieux aquatiques ou en études d'impact sur ces milieux ;
3°le demandeur est une université, une haute école, un bureau d'études en environnement ou l'association halieutique coordinatrice ;
4°l'administration est représentée au sein du comité d'accompagnement en charge du suivi de la convention d'études ou du programme de recherche ;
5°l'empoissonnement ne contrevient pas à la mise en oeuvre du programme général d'actions du plan de gestion.
Section 4.- Empoissonnements directs
Art. 11.Les empoissonnements directs sont interdits dans les contextes piscicoles dont l'orientation de gestion fixée par le plan de gestion est la gestion patrimoniale.
L'administration peut autoriser les empoissonnements directs dans les contextes piscicoles dont l'orientation de gestion fixée par le plan de gestion est la gestion patrimoniale différée s'ils sont prévus au programme d'actions du plan de gestion et concourent à aboutir à une gestion patrimoniale ou contribuent à une transition progressive vers celle-ci.
Les empoissonnements directs dans les contextes cyprinicoles, à l'exception des plans d'eau, peuvent être autorisés uniquement pour les espèces des groupes 1 et 2 reprises à l'annexe 2 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 8 décembre 2016 relatif aux conditions d'ouverture et aux modalités d'exercice de la pêche.
Art. 12.L'administration peut autoriser les empoissonnements directs de truites communes de souche domestique dans les contextes piscicoles salmonicoles exempts de populations de truites communes de souche autochtone. La seule catégorie de taille autorisée est comprise entre vingt-quatre et trente-cinq centimètres.
Par dérogation à l'article 4, alinéa 1er, dans les contextes salmonicoles dont les orientations de gestion fixées par le plan de gestion sont la gestion patrimoniale différée ou la gestion d'usage, l'administration peut autoriser les empoissonnements directs de truites arc-en-ciel prévus dans le plan de gestion moyennant les conditions suivantes, sans préjudice des conditions fixées par le plan de gestion :
1°l'empoissonnement s'effectue dans un cours d'eau de première ou deuxième catégorie tels que défini dans la loi du 28 décembre 1967 relative aux cours d'eau non navigables ;
2°l'empoissonnement s'effectue à plus de cinq-cents mètres en amont d'une exploitation aquacole enregistrée auprès de l'AFSCA, sauf si les poissons proviennent de l'exploitation aquacole concernée ;
3°l'empoissonnement s'effectue à partir d'une souche domestique de truite arc-en-ciel de la classe de taille unique suivante : de vingt-quatre à trente-cinq centimètres ;
4°l'empoissonnement de truites arc-en-ciel ne dépasse pas la biomasse moyenne annuelle historique de truites communes déversées calculée sur la base des autorisations délivrées par l'administration les cinq années précédant la demande ;
5°l'empoissonnement est fait de manière à limiter au maximum la durée et l'intensité des possibles interactions entre les truites empoissonnées et les espèces présentes naturellement dans la rivière en répartissant les truites empoissonnées dans l'espace et dans le temps ;
6°le demandeur ne peut pas imposer des limites de prélèvement plus restrictives que celles prévues dans l'arrêté du Gouvernement wallon du 8 décembre 2016 relatif aux conditions d'ouverture et aux modalités d'exercice de la pêche ;
7°le demandeur établit un plan de protection de la truite commune.
Concernant le 4°, à défaut de données ou si la biomasse moyenne annuelle historique dépasse cette valeur, la biomasse annuelle est limitée à dix kilos par pêcheur.
Le demandeur introduit préalablement un dossier complet sur la base du modèle établi par le Ministre intégrant une proposition de plan d'empoissonnement de truites arc-en-ciel, ainsi qu'un plan de protection de la truite commune.
Chapitre 4.- Conditions sanitaires
Art. 13.Seuls les poissons fournis par des exploitations aquacoles dont l'adhésion au programme de surveillance volontaire a été déclarée auprès de l'unité locale de contrôle de l'Agence fédérale pour la Sécurité de la Chaîne alimentaire et faisant appel au moins une fois par an à un vétérinaire agréé pour effectuer une visite sanitaire et des prélèvements aux fins d'analyses virologiques pourront faire l'objet d'une autorisation d'empoissonnement par l'administration.
Art. 14.L'administration refuse l'autorisation d'empoissonnement si l'exploitation aquacole renseignée dans la demande d'autorisation n'est pas indemne de nécrose hématopoïétique infectieuse (NHI), de septicémie hémorragique virale ou n'est pas en mesure de le démontrer.
Toute perte du statut indemne de l'exploitation aquacole entre la délivrance de l'autorisation et l'empoissonnement invalide automatiquement l'autorisation délivrée. Aucune nouvelle autorisation d'empoissonnement n'est accordée tant que l'exploitation aquacole ne retrouve pas son statut indemne de maladies.
Chapitre 5.- Modalités pratiques d'introduction des demandes
Art. 15.La demande d'autorisation est introduite par le demandeur via le guichet en ligne de la Région wallonne, au plus tard dix jours avant l'empoissonnement demandé. Conformément à l'article 14 du décret du 27 mars 2014, à défaut de réponse de l'administration avant le jour de l'empoissonnement, l'autorisation est refusée.
La demande reprend les éléments suivants :
1°les coordonnées du demandeur et de l'exploitant aquacole ;
2°l'objectif de l'empoissonnement ;
3°la date prévue de l'empoissonnement ;
4°l'espèce de poisson concernée ;
5°la quantité de poisson prévue ;
6°la classe de taille et la localisation géographique de l'empoissonnement ;
7°la provenance du poisson.
Le demandeur qui a déjà obtenu une autorisation d'empoissonnement antérieurement communique le rapport de déversement. L'absence de transmission du rapport de déversement constitue un motif de refus d'autorisation pour toute nouvelle demande.
Art. 16.§ 1er. L'administration autorise les demandes d'empoissonnement si elles répondent aux conditions visées aux articles 4 à 13.
Toute demande qui ne respecte pas les conditions visées aux articles 4 à 13 fait l'objet d'une demande d'adaptation ou d'un refus par l'administration.
§ 2. Le demandeur doit pouvoir présenter l'autorisation d'empoissonnement lors de celui-ci et ce à la première demande d'un agent constatateur visé à l'article D.141., § 1er, 2°, du Code de l'environnement.
Chapitre 6.- Introduction d'un recours
Art. 17.Le demandeur peut introduire un recours motivé contre une décision de refus prise en application de l'article 16 auprès du Ministre.
Le recours est introduit par courriel ou par courrier recommandé. Le recours est introduit au moyen du formulaire disponible à cette fin sur le site Internet www.wallonie.be ou sur simple demande adressée à l'administration et reprenant au minimum les éléments suivants :
1°les nom, prénom et adresse du demandeur ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination, sa forme juridique, l'adresse du siège social ainsi que les nom, prénom et adresse de la personne mandatée pour introduire le recours ;
2°une copie de la décision attaquée ;
3°les moyens développés à l'encontre de la décision attaquée.
A peine d'irrecevabilité, le recours est envoyé au Ministre dans les trente jours à compter de la réception de la décision.
Le recours est étayé par tout document pertinent de nature à permettre au Ministre de prendre sa décision en connaissance de cause.
Le Ministre envoie un accusé de réception dans les quinze jours de la réception du recours.
Le Ministre transmet une copie du recours, de l'accusé de réception et du dossier de recours à l'administration.
Le Ministre statue et envoie sa décision, le cas échéant assortie de conditions, par tout moyen permettant de conférer une date certaine à l'envoi, par courrier recommandé ou courriel, et à la réception au demandeur, et par envoi simple à l'administration, endéans les septante-cinq jours à dater de la réception du recours.
Chapitre 7.- Contrôle et sanctions
Art. 18.Tout empoissonnement qui n'est pas conforme aux quantités, aux espèces ou aux classes de taille fixées dans l'autorisation est assimilé à un empoissonnement sans autorisation.
L'autorisation délivrée par l'administration ou le Ministre est automatiquement invalidée pour tout empoissonnement dont plus de vingt pour cent des poissons présentent des défauts et vices apparents. Ce pourcentage est déterminé par un échantillonnage établi de manière contradictoire entre le fournisseur, d'une part, et l'administration ou le demandeur, d'autre part.
Chapitre 8.- Mesures transitoires
Art. 19.Tout empoissonnement effectué sur une eau soumise au décret du 27 mars 2014 pour laquelle un plan de gestion n'a pas encore été établi doit faire l'objet d'une autorisation de l'administration. L'administration examine la demande au regarde de l'historique des empoissonnements effectués, de l'impact de l'empoissonnement sollicité et de ses éventuels effets bénéfiques ou indésirables.
Jusqu'au 31 décembre 2025, la demande peut être introduite par envoi électronique auprès de l'administration.
Le demandeur peut introduire un recours contre cette décision conformément aux dispositions reprises à l'article 17.
Chapitre 9.- Dispositions finales
Art. 20.Le présent arrêté entre en vigueur le 1er octobre 2025.
Art. 21.La Ministre de l'Agriculture et de la Ruralité est chargée de l'exécution du présent arrêté.